Bolivie : Uyuní - La ville

L’attente, interminable, parfois ennuyeuse, toujours passagère, nous nous y résignions, car le lendemain, nous quittions ce monde.

Vagabondant dans les rues, nous rencontrâmes un prodige dont le talent restera emprisonné dans ce patelin. Comme les autres personnes rassemblées autour de lui, je remarquai son adresse et son extrême rapidité. Ses mouvements précis, si expéditifs, laissaient une vague impression dans l’espace-temps, impossible à distinguer à l’oeil nu, à l’image d’une photographie que l’on prend le soir et où l’on voit les traînées laissées par les phares d’automobiles. Ce virtuose accomplissait sa tâche sans commettre de faute dans un temps record : quelques secondes suffisaient. Le Français et moi, nous nous esclaffions tant qu’il nous impressionnait, se demandant comment un homme réussissait à atteindre cette vitesse, contredisant presque les lois de la physique par ses gestes frôlant le mur du son. Nous faisions face à un mage, contraint à travailler dans ce bled, contraint à gagner durement sa croûte, contraint à assaisonner de plusieurs ingrédients des hambourgeois qu’il emballait pour nous les tendre gentiment, dans un kiosque mobile à Uyuní. Le lendemain, nous quittions ce monde, et ce prodige resterait cloué au sol, malgré son incroyable vitesse...

Que faire pour tuer le temps lorsque le lendemain le paradis nous attend? Nous trouvâmes réponse à notre question dans les rues désertes de la ville, d’où, soudain, nous entendîmes de la musique surgir d’un petit édifice faisant office de bar. À l’intérieur, aucun artifice, ni décor, seulement des tables, des chaises, un comptoir, de la bière et des Boliviens nous dévisageant. Faire comme eux, s’asseoir avec notre litre de bière, le boire, en prendre un autre, attendre que le temps passe... Peu à peu, nous faisions partie du paysage, nous nous y intégrions, à mesure que l’enivrement éthylique s’emparait de nos esprits. Les regards quelque peu désapprobateurs du début se transformaient en des complices. Liés par les liens de l’ivresse dans les fins fonds de la ville d’Uyuní, où les hommes épuisés de leur journée allèrent brûler leur dernière énergie dans ce bar glauque, nous fraternisions silencieusement. Un homme dormait, la tête reposée sur une table : avait-il, à sa façon, trouvé son havre de paix? Pour certains, ce bar aurait paru miteux, ces gens, paumés, mais nous nous y intégrions sans soucis, car le lendemain, nous partions vers le paradis...

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