L’inlassable spectacle de la Terre

Confinée au seuil de l’Arctique, gardienne d’un écosystème fragile et spectaculaire, moins menacé par l’âpreté de cette terre grondante que les pas multipliés d’une foule curieuse, l’Islande chavire par son antagonisme.

Objectif : parcourir l’ensemble des régions administratives, incluant la délaissée, mais pourtant magnifique Vestfirðir au Nord‑Ouest. Stratégie : mordre les routes à bord d’un petit véhicule équipé d’une couchette et espace de rangement pour le réchaud, l’eau, les victuailles séchées et autres provisions, ainsi qu’une alternance entre le camping sauvage et celui sur terrain aménagé, prévu à cet effet, pour assurer un minimum d’hygiène. Tactique : ni vus ni connus. Puisque le mode guérilla était récemment interdit au moment de notre escapade, mais toléré en certaines zones, nous repérions toujours des endroits isolés pour éviter déranger les habitants et nous laissions le site impeccable à notre départ. 

Album Ísland

Ce qui marque avant tout, loin d’être une surprise, ce sont les paysages. La route de l’aéroport à Reykjavik nous introduit doucement aux spectacles qui nous attendent. Des panoramas lunaires dénués de végétations contrastent avec ceux qui sont rocailleux et couverts d’une pellicule de verdure, les montagnes omniprésentes, des chutes que l’on se lasse de compter, les orgues basaltiques s’offrant en spectacle au souffle du vent et un océan qui nous rappelle toujours l’insularité. Au port de la capitale même, une baleine, non loin, au large, nous a séduites d’un saut. Il est impressionnant d'assister à cette variété et même après avoir été submergé par ces nombreuses splendeurs, j’eus le souffle coupé lorsque j’entrevis la calotte glaciaire du Vatnajökull, se dévoilant progressivement sous mes yeux, croulant lentement des montagnes pour se détacher dans le Jökulsárlón (que l’on pourrait traduire par la lagune du glacier). Malgré mes assauts acharnés, je fus incapable de graver sa magnificence numériquement. Ayant gagné un peu de temps sur notre itinéraire, nous avons pu faire un saut à Heimaey, île principale de celles de Vestmann. Visiter une île dont la superficie fut élargie d’environ 14 % par une éruption en 1973 a quelque chose de pittoresque et un peu surréaliste. J’oublie trop souvent que la Terre est, encore à nos jours, en permanente évolution, quoique la majorité de ses changements sont désormais attribuables à l’être humain. Ce qui me rappelle cette technique d’enterrement biodégradable que nous avons pu voir depuis quelques années qui consiste à faire pousser un arbre se nourrissant en partie du corps contenu, ou les cendres, dans une capsule similaire à un œuf situé sous celui-ci. Innovant? Est-ce une promenade dans les cimetières islandais qui aurait inspiré les créateurs?


Parcourir certaines routes d’Islande est une aventure en soi, surtout lorsque celles-ci sont de gravier, parsemé de nids-de-poule, dans des comtés retirés où un moment d’inattention pourrait nous précipiter au bas d’une falaise. J’espérais seulement que les pneus de notre voiture tiennent le coup et que les quelques véhicules croisés ne projettent pas un caillou fracassant le parebrise ou endommageant la peinture de la carrosserie. L’avantage de la période choisie nous permettait de rouler facilement jusqu’à tard le soir, même toute la nuit si nous l’aurions voulu, car, malgré que le soleil se couchait, sa lueur nous accompagnait pour la courte nuit, comme une veilleuse douce à nos yeux.

On pourrait penser que l’Islande n’a rien à offrir culinairement, d’ailleurs, elle est envahie par les burgers, pizzas et autres succulentes sources de gras. A contrario, la cuisine islandaise ne se retrouve rarement dans nos grandes capitales sinon jamais. Ce serait une erreur pourtant de croire que ce peuple ne connaisse rien en la matière de raffinement. Sur place, il faut éviter la malbouffe qui sature les menus et se replier sur les produits de la mer qui sont apprêtés de délicieuse façon. Souvent, le poisson du jour est un régal à prix abordable pour les standards locaux (et même ceux d’ici), dont le coût s’apparente sensiblement à celui de la malbouffe. Pourquoi s’en priver? D’autant plus que le prix affiché, à priori un peu abrupt, comprend tous les frais! Enfin! Pourquoi nous emmerdons-nous en Amérique de Nord? Nous polluons même les esprits de certains pays avec cette pratique insupportable qui consiste à ajouter inévitablement des frais à nos factures? Ce fameux 30 % au Québec : prix + taxes + tips! Je rêve au jour où nous annihilerons cette incommensurable stupidité! Si un tel jour arrive, peut-être je regagnerai confiance en notre système démocratique. D’ici là, nombreux sont les jours sombres de la dégénérescence mentale qui nous attendent. 😆

Évidemment, outre que par l’automobile, de nombreux treks ont constitué notre exploration. Tantôt en contournant des montagnes ou sillonnant le flanc d’une falaise, parfois gravissant des monts pour bénéficier d’une vue panoramique au sein d’essaim de moucherons qui paradoxalement obstruent partiellement la vue et l’empêche même lorsque leur adresse en plonge un dans un œil. J’ai renoué avec mon vertige que j’avais réussi à gérer depuis des années lorsque certains étroits chemins en hauteur ne laissaient pas de place à l’erreur, et dans certains cas, ne me permettaient pas de revenir sur mes pas. Je me sentais un peu comme le cliché de ce chat idiot s’étant perché dans un arbre, incapable de redescendre… bien que c’est en poursuivant mon ascension que je pus emprunter un chemin plus clément qui me permit de redescendre plus loin et rejoindre le campement.

En plus de ses paysages spectaculaires, l’Islande m’a impressionné par son développement. Pour un pays ayant un peu plus de 350 000 habitants, soit moins que la population de l’aimé Laval, elle dispose un aéroport international, plusieurs aérodromes et ports, bénéficient d’industries lourdes… bref, malgré le nombre peu élevé d’habitants, elle grouille de ressources. Et que dire de la créativité! Bien qu’il faut bien que je râle un peu…  

J’avais préparé une liste de lecture spécialement pour nous accompagner sur les routes. Elle s’avéra inutile à cause de l’incompatibilité de mon appareil au système de l’automobile. Rien de  grave au pays de Sigur Rós, Múm, GusGus, et l’incontournable Björk! J’en déduisis que les ondes locales nous auraient bercés par les mélodies exceptionnelles de ces groupes et de nombreux autres à découvrir! Je ne pouvais avoir plus tort... Non seulement on nous empoisonnait l’esprit avec des airs populaires, ces derniers provenaient souvent d'une autre époque, ayant déjà usé nos tympans. Une déception abyssale… Un pays où l’originalité musicale a vu naître des maîtres s’illustrant à l’international, portant un souffle frais et puissant à nos oreilles souvent anesthésiées par la banalité de la musique populaire. Il est surprenant de constater que les stations locales sont incapables de les honorer en faisant rayonner sous fréquences hertziennes leurs mélodies féériques. Bref, en ce sujet, nous n’étions pas sur la même longueur d’onde… #blagueHertzienne. D’ailleurs, la créativité des Islandais ne se limite pas à la musique, on la retrouve tapissant divers murs de Reykjavik et le microbled de Stöðvarfjörður où le ratio de murale par habitant doit être le plus élevé au monde.

Le seul élément manquant à ce voyage est le contact avec sa population. Oui, il y a eu quelques échanges sympathiques, mais aucun de ceux-ci ne nous a permis de tisser des liens et d’apprendre davantage sur leur mode de vie, leur vision, leur philosophie de vie. Évidemment, ce n’est pas en étant constamment sur la route que nous avons pu favoriser ces échanges convoités. Raison de plus pour y revenir en une autre saison pour accéder au Landmannalaugar dont les routes pour s’y rendre étaient impraticables au moment de notre séjour, voir des aurores boréales et se prélasser au Blue lagoon après avoir discuté, sympathisé et fêté avec les Islandais!

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