Bolivie : Tupiza

C’est à Tupiza où mon premier véritable contact avec la Bolivie prit forme. Évidemment, j’avais goûté à leur repas et à leur fresco, cette eau sucrée qui, je déduisis, remplaçait cette fameuse boisson gazeuse qui leur était, pour la majorité, inaccessible. Je voyageai également dans leur autobus, imprégné de l’odeur de la coca, qui, contrairement à l’image que l’on m’avait inculquée, ne transportait ni cochons, ni poules, mais qui, effectivement, prenait des heures pour arriver à destination, retardée par la lenteur des routes poussiéreuses, sinueuses et par leur escarpement.

C’est une centaine de kilomètres et quelques heures plus tard, à Tupiza, que ce contact eut lieu, lorsque je sortis de l’autobus. J’éclatai de toute ma blancheur parmi ces peaux de la couleur de la terre, une nuée d’enfants m’assaillit gentiment, espérant m’entraîner respectivement pour que je loge dans l’auberge de leur paternel. Ils étaient si jeunes, de sept et dix ans peut-être et déjà, ils apprenaient à gagner leur vie. Incroyablement enjoués, candides, ils semblaient heureux, ne réalisaient-ils pas encore que leur vie était presque condamnée à cette incessante répétition? Qu’ils goûteraient eux aussi, à la longue, à l’amertume de leur aînée et à leur renfrognement?

Que réserve-t-on pour la nouvelle génération ou que se réserve-t-elle, elle-même? On me raconta avant mon départ que la Bolivie, depuis les années 70, n’avait pas changé, comme si elle stagnait dans un espace-temps sur lequel notre monde n’avait aucune emprise. Mais j’en doute. Il est vrai que les femmes d’un certain âge portent toujours les vêtements traditionnels si caractéristiques. Par contre, les filles de la jeune génération portent le jean, les t-shirts à la mode, etc. Je ne crois pas qu’éventuellement elles troqueront ces vêtements pour ceux de leurs aînées. Des postes Internet poussent un peu partout dans les villes, où pullulent les jeunes Boliviens. Une fenêtre sur le monde leur a été donnée, vont-ils eux-mêmes la refermer? Il serait un peu naïf, voire même condescendant, de prétendre que ce peuple aspire à se vautrer dans leur autarcie. La pauvreté et l’abus qu’ils ont subi de la part de multinationales ne leur ont pas laissé le choix. Maintenant, qu’ils observent le monde, ils tendent évidemment vers autre chose. Surtout avec un président indigène qui réclame haut et fort, avec raison, la fierté de ses racines et le droit à l’autodétermination.

À Tupiza, je n’établissais pas uniquement un contact avec la population locale en recueillant de l’information sur les logis disponibles et leurs commodités. Aussi, je m’épris pour une culture qui n’aspirait qu’à s’épanouir. Il serait triste que les rêves de ses enfants se brisent par l’indéniable pauvreté de ce pays qui repose pourtant sur la richesse de ses sols et de ses habitants.

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