Bolive : Stupide homme blanc

Je me souviens d’un épisode lorsque j’étais en Bolivie travaillant bénévolement dans un refuge pour animaux, où j’ai pu réaliser, encore une fois, la stupidité de l’homme blanc, par son ethnocentrisme. Je me prélassais au soleil, digérant mon repas bien mérité après un avant-midi de travail acharné au sein de la jungle bolivienne où, avec d’autres bénévoles, j’édifiais une cage pour les singes-araignées. D’autres individus, comme moi, profitaient de ce doux moment, avant que nous nous remettions à l’ouvrage.

Malencontreusement, une femme, d’une trentaine d’années tout au plus, brisa le silence, dans lequel nous étions bercés, pour s’adresser à une jeune fille du village. Cette dernière, le ventre gonflé par un enfant qui ne demandait qu’à naître, détenait un petit boulot au village. Elle était jeune. De façon un peu décontenancée, la trentenaire Néo-Zélandaise lui demanda son âge. Voulant le lui dissimuler, la jeune fille, gênée, devinant l’opinion quelque peu désapprobatrice de l’étrangère, lui affirma, maladroitement, qu’elle en avait seize. Elle en avait probablement quatorze. Faisant fi de la réponse de la demoiselle, l’insulaire la sermonna sur l’importance de l’éducation, sur l’émancipation féminine et de toutes ces belles valeurs occidentales. Du revers de la main, je repoussai une mouche comme si elle représentait les propos unidimensionnels de l’inquisitrice. Je n’intervins pas, profitant du reste de mon repos, ne voulant pas troubler ma digestion, ou peut-être je ne désirais pas utiliser la langue de Shakespeare dont les locuteurs ont bien du mal à se départir au profit d’un autre idiome, agissant en terrain conquis où qu’ils aillent.

Néanmoins, je réalisais, une fois de plus, le manque de perspectives et d’un certain nombrilisme de nos sociétés. Qu’avait-il de mal à la situation de la jeune fille? Sa vie était gâchée? Elle ne pourrait jamais accomplir ses rêves? Pourtant, elle semblait heureuse, épanouie même. Pourquoi se formaliser sur son âge? « Quatorze ans c’est jeune pour devenir mère », me direz-vous. Et alors? Mis à part que cette situation ne se retrouve pas uniquement en Bolivie, mais également dans nos pays dits du premier monde, il est un peu déplacé de sermonner quelqu’un se retrouvant dans cette situation. Qu’est-ce que la jeune fille est sensée de répondre aux propos négligents de cette touriste (ici employé de façon péjorative)? Qu’elle le regrette, qu’elle mettra son enfant en adoption dès sa naissance, ou même, qu’elle le jettera à la rivière pour entreprendre ses études?

La réalité : elle n’a pas accès aux études, sinon difficilement. Aussi, peut-être que cela ne l’intéresse pas, comme beaucoup de Boliviens qui ignorent tout de la géographie internationale, ne sachant pas où se situe l’Europe, croyant que l’on peut s’y rendre en train. Les enfants deviennent vite des adultes dans cette région, travaillant dès leur plus jeune âge. Elle ne faisait que suivre son cycle. Les opportunités ne sont pas grandes dans ce pays. À quoi bon moraliser une jeune fille qui n’a rien demandé? Qui était telle pour s’en donner le droit, elle qui après six mois de séjours dans les pays hispanophones n’était pas foutue de formuler un mot en espagnol et qui jouait à la mère Thérésa avec les singes (une des tâches du refuge était de s’occuper des singes, les nourrir, les promener, les cajoler et ces derniers remerciaient leurs bienfaiteurs en leur pissant dessus)?

Honnêtement, je méprise cette attitude de supériorité morale. « Construis une école ou ferme-la! » voilà les mots qui me venaient à l’esprit. Or, confortablement adossé, respirant l’air frais et humide de ce petit village de Bolivie, je m’abstins de partager cette remarque corrosive, ne désirant pas troubler la paix procurée par ce merveilleux pays.

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